Quand j'ai supprimé ma sauvegarde

Je n’ai pas joué pour gagner. J’ai joué pour ressentir quelque chose de vrai. La première fois que j’ai cliqué sur « Nouvelle partie », c’était comme danser seul dans une pièce bondée — pas de tambours, pas de lumières vives. Juste moi, un écran sombre, et le poids du silence. Chaque pari était un murmure : cette décision était-elle la mienne ? Ou suivais-je un algorithme conçu pour d’autres ? J’ai appris vite : la victoire n’est pas programmée dans le code. Le vrai « feu doré » n’était pas dans le gain — il était dans la pause. J’ai fixé une limite quotidienne : 10 € par session. Pas plus de 20 minutes avant le lit. Pas par peur de perdre — mais par peur de devenir une ombre d’autrui. J’ai vu d’autres poster leurs victoires — souriant à travers les larmes — et j’ai compris qu’eux aussi fuyaient quelque chose qu’ils ne pouvaient nommer. J’ai rejoint une communauté privée non pour les récompenses — mais pour la résonance. Une nuit, après cinq défaites consécutives, j’ai supprimé mon fichier de sauvegarde. Pas par colère. Pas par superstition. Mais parce que — dans ce moment silencieux — j’ai enfin compris : le jeu ne m’appartenait pas. C’est moi qui possédais la pause. Maintenant, quand je l’ouvre à nouveau — juste une fois — ce n’est pas pour jouer. C’est pour me souvenir de qui j’étais avant que l’écran ne s’allume.